Le développement de Saint-Eustache:
3. Rivière-Nord

par Marc-Gabriel Vallières
Article publié dans L'Éveil, le 31 mai 2003, page 12.

Les premiers habitants de Saint-Eustache se sont établis d'abord sur la Grande-Côte, puis le long des deux cours d'eau secondaires de la seigneurie: la rivière du Chêne et la rivière du Chicot, appelée à l'époque la rivière aux Chicots.

La côte qui longe le côté Nord de la rivière du Chêne s'est surtout développée autour de 1760. Elle correspond aujourd'hui à la rue Saint-Eustache, à l'Ouest de la rue Féré ainsi qu'à sa continuation, c'est-à-dire le chemin Rivière-Nord, jusqu'à la montée Laurin.

Quelques terres ont déjà été concédées à la fin du Régime français, comme à Joseph Sabourin, en 1757, ainsi qu'à François Maisonneuve et à Fabien Presseau, en 1759. Cependant, en octobre 1760, le territoire se peuple sur une plus grande échelle avec l'allocation de plusieurs terres à Joseph Proulx dit Clément, Michel Biroleau dit Lafleur, Jean-Baptiste Proulx dit Clément, Louis Brazeau et Antoine Biroleau dit Lafleur. Un an plus tard, soit en novembre 1761, viennent s'ajouter Michel Baulne, Michel Debien et Pierre Larocque, puis, en janvier et février 1762, Georges Frémon, Louis Payment dit Larivière et Joseph Brazeau, fils de Pierre.

Au bout de ces quelques années, une grande partie de la devanture des terres est occupée. Comme les premières concessions sont cependant pour des terres peu profondes, les cultivateurs veulent rapidement s'agrandir au fur et à mesure que l'ensemble de leur lot a été défriché et mis en culture. Entre 1775 et 1790, le seigneur Dumont concède donc des continuations de terres aux cultivateurs qui occupent déjà les devantures, pour leur permettre de passer d'une agriculture de subsistance à une production plus économique. À la fin du dix-huitième siècle, l'ensemble des terres du nord de la rivière du Chêne est en pleine opération, du Village de Saint-Eustache jusqu'au Petit Brûlé.

Comme pour la Rivière-Sud, peu de témoins de cette époque sont parvenus jusqu'à nous. Les quelques vieilles maisons de pierre qui bordent la rue Saint-Eustache et le chemin Rivière-Nord datent surtout des années 1820 à 1860, alors que les cultivateurs avaient pu acquérir une certaine aisance. Le seul témoin des années 1700 que l'on peut toujours observer est la maison Gratton, soit la partie Ouest de la maison située au 338 de la rue Saint-Eustache. Construit par Louis Gratton peu après 1785, il s'agit du plus vieil immeuble résidentiel de Saint-Eustache et une des trois seules structures antérieures à 1800 qui résiste encore aux assauts du temps, avec le moulin Légaré et l'église paroissiale.

Le chemin lui-même a évolué au fil des ans. La section de la rue Saint-Eustache située entre la rue Féré et le boulevard Pie-XII, par exemple, a littéralement changé de place vers 1815. Il longeait la rivière de très près, faisait un angle droit et remontait sur les hauteurs près de l'actuelle rue des Cèdres. Certains se souviennent de la vieille maison de pièces autrefois située au fond du terrain des Serres Maxime-Charbonneau. Elle était alors située juste au bord du chemin! Localisé trop bas, le chemin se voyait inondé à tous les printemps. À la demande de certains habitants, il est donc relocalisé en 1815 à son emplacement actuel, loin de la rivière. Les chemins, comme les maisons et leurs habitants, ne sont pas statiques et évoluent eux aussi, selon les besoins!