3. Marie-Thérèse Céloron de Blainville

par Marc-Gabriel Vallières, publié dans La Feuille de Chêne, octobre 2014, pages 8-9.

Il peut paraître surprenant à certains de voir le nom de Marie-Thérèse de Blainville associé à la paroisse de Saint-Eustache. On la savait seigneuresse de Blainville, soit, mais résidant en son manoir de la Grande-Côte dans ce qui est aujourd'hui la ville de Boisbriand. Rien à voir, à priori, avec Saint-Eustache, à part en être voisine.

C'est cependant oublier qu'au Régime français, Blainville et Rivière-du-Chêne formaient une seule et même seigneurie, celle des Mille-Îles et qu'avant 1789, le seul village et la seule paroisse de la seigneurie étaient Saint-Eustache.

Non seulement Marie-Thérèse de Blainville avait-elle une maison sur la rue Saint-Eustache, au Nord de l'église, mais son mari, qui est décédé avant elle, a été inhumé dans l'église même de Saint-Eustache.

Les Boisbriand, les Langloiserie et les Blainville

Comme cela nous a été répété à de nombreuses reprises, la seigneurie des Mille-Îles est concédée une première fois le 24 septembre 1683 à Michel Sidrac Dugué de Boisbriand. Comme il ne développe pas ses terres, elles sont reprises par le Roi et reconcédées le 5 mai 1714 aux deux gendres de Boisbriand, soit Jean Petit et Charles-Gaspard Piot de Langloiserie(1). Jusqu'au début des années 1740, les moitiés Est et Ouest de la seigneurie sont administrées ensemble. C'est ainsi qu'en 1729, les premières terres de la Grande-Côte, à proximité du village de Saint-Eustache, sont concédées par Marie-Thérèse Dugué, veuve de Charles-Gaspard Piot de Langloiserie(2). Cependant, aucun de ces personnages n'habite encore la seigneurie. Ce n'est qu'avec la génération suivante que nous aurons des «seigneurs résidents» dans la région.

Suite à une entente entre les héritiers de Jean Petit et de Charles-Gaspard de Langloiserie, la seigneurie est divisée en deux moitiés. La partie Ouest va aux Petit, maintenant représentés par Eustache Lambert-Dumont(3) et la partie Est à Jean-Baptiste Céloron de Blainville, qui a épousé Suzanne, fille de Charles-Gaspard.

Lorsqu'en 1769 Suzanne de Langloiserie, devenue veuve, décède à son tour, ce sont ses deux filles Marie-Thérèse et Marie-Hypolite Céloron de Blainville(4) qui deviennent seigneuresses de la partie Est de la seigneurie des Mille-Îles, maintenant appelée seigneurie de Blainville.

Marie-Thérèse de Blainville

Un manoir a été érigé dans la Grande-Côte vers 1750 par les Blainville, même s'ils ne l'habitent pas en permanence, à l'endroit exact où passe maintenant l'autoroute des Laurentides (A-15). Après son mariage à Lachenaie le 30 septembre 1770 avec Jacques-Marie Nolan Lamarque(5), Marie-Thérèse de Blainville décide de venir habiter le manoir familial. Malgré que le manoir lui-même n'existe plus, une petite maison de ferme du XIXe siècle existe toujours sur la terre du domaine, au 167 de la Grande-Côte.

Comme nous l'avons mentionné, seule la paroisse de Saint-Eustache existe aux Mille-Îles jusqu'en 1789. C'est donc à Saint-Eustache qu'est baptisé le 16 octobre 1772 Louis-Marie de Blainville, fils de Marie-Thérèse et de Jacques-Marie Lamarque. Le 15 septembre 1786 cependant, ce fils se noie dans la rivière et est inhumé au cimetière de Saint-Eustache.


Moulin à vent dans la Grande-Côte, sur la terre de Marie-Thérèse de Blainville.

Dans les années 1780, Marie-Thérèse de Blainville occupe un terrain sur la rue Saint-Eustache au village, sur le site que plusieurs d'entre nous appellent encore «la maison du Dr Corriveau», ou maison Hubert-Globensky(6). Voulait-elle se rapprocher de l'église? Ou encore était-ce parce que son époux était malade? En effet, ce dernier décède dans cette maison en 1789 et est inhumé sous l'église. Plus tard cette même année, la paroisse de Sainte-Thérèse est fondée et Marie-Thérèse fait vendre en 1795 la maison de Saint-Eustache par son procureur Joseph Lacroix.

Il ne reste plus rien de la maison des Blainville-Lamarque sur la rue Saint-Eustache. En 1799, elle devient la résidence d'August-Franz Globensky puis, en 1832, son fils Hubert la remplace en se faisant construire une longue maison de bois. Cette maison deviendra plus tard au XIXe siècle celle du notaire Cyrille H. Champagne puis de son fils Hector. Au XXe siècle, elle est acquise par le Dr Yvon Corriveau qui la recule de quelques mètres pour l'éloigner de la rue.

Cette époque n'est pas exclusive au Régime français. Mais le développement de la seigneurie ayant débuté dans les dernières années qui ont précédé la cession de la Nouvelle-france à l'Angleterre, les personnages chevauchent les époques. Très peu d'entre eux auront eu le temps de naître, vivre et mourir à Saint-Eustache durant le seul règne de Louis XV.

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(1) Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), Centre d'archives de Québec, Registre d'intendance, folio 6, no 4.
(2) BAnQ, Centre d'archives de Montréal, greffe Jean-Baptiste Adhémar dit St-Martin, 11 décembre 1729 (CN601,S3).
(3) Eustache Lambert-Dumont a épousé Charlotte-Louise Petit le 19 octobre 1733 à Québec.
(4) Marie-Hypolite Céloron de Blainville a épousé le 10 octobre 1757 à Laprairie Louis-Hugues Hertel de Chambly qui s'occupe de sa propre seigneurie sur la rive Sud. En 1778, il vend la seigneurie de Chambly et le couple vient aussi s'établir dans la Grande-Côte sur le territoire actuel de Rosemère, près du pont du Canadien-Pacifique.
(5) Jacques Marie Nolan Lamarque descend, par sa mère, des Legardeur de Repentigny. Il était négociant à Montréal et avait épousé en premières noces Louise Perrault. Le contrat de mariage entre Lamarque et Marie-Thérèse de Blainville est passé devant le notaire Antoine Foucher le 12 septembre 1770 (BAnQ, CN601,S158).
(6) Nous n'avons pas la date exacte de son installation au village. Il n'existe aucune concession officielle pour ce lot. Avait-il été conservé par les Blainville depuis la période d'avant la division de la seigneurie? Y a-t-il eu une concession verbale ou «par billet»? Le terrier de la seigneurie nous indique seulement que Marie-Thérèse de Blainville a payé des rentes au seigneur Dumont pour les années 1789 et 1790.