Les Pays-d'en-Haut,
une région mal nommée...


par Marc-Gabriel Vallières
Texte inédit, juillet 2018.

Dans un article paru il y a plusieurs années(1), nous avions abordé le fait que certains noms de lieux étaient fautifs ou résultaient d'une mauvaise interprétation. Nous avions donné comme exemples le Petit-Brûlé et le Grand-Brûlé, dans la région des Deux-Montagnes, qui nous viennent d'une mauvaise traduction d'un terme Écossais. Un autre exemple nous est donné par le nom d'une région toute entière, les Pays-d'en-Haut.

On associe aujourd'hui ce vocable à la partie centrale des Laurentides, entre Saint-Jérôme et Mont-Laurier et une Municipalité régionale de comté (MRC) en a adopté l'appellation. Or ce nom ne fait pas partie de l'histoire ancienne du lieu, s'étant toujours appliqué à une toute autre région du continent et ce, depuis plusieurs siècles.

En Nouvelle-France et à l'époque des coureurs des bois, les «pays d'en haut» étaient ces vastes territoires couvrant une grande partie du continent et correspondant aux provinces de l'Ouest, Manitoba, Saskatchewan et Alberta, aux Territoires du Nord-Ouest ainsi qu'au Nord du Québec, au delà du Témiscamingue, jusqu'à la baie d'Hudson et au Labrador. Au Régime anglais, ces territoires étaient gérés par la vénérable Compagnie de la Baie d'Hudson. Mais à aucun moment ne faisait-on ainsi référence à la région située juste au Nord de Montréal qui correspond aujourd'hui aux Laurentides. À partir de l'organisation en cantons des terres de la Couronne situées au delà des seigneuries, au début du XIXe siècle, la région s'étendant au Nord de la Paroisse de Saint-Jérôme a pris le vocable de «cantons du Nord». De la même façon, celle située au Sud-Est du Saint-Laurent s'est appelée «cantons de l'Est», nom qu'elle conserve toujours aujourd'hui même si on a tenté de lui substituer l'appellation d'Estrie. Durant un siècle et demi donc, on n'a parlé que des «cantons du Nord» pour se référer aux Laurentides.

L'association du vocable des «pays d'en haut» aux Laurentides résulte de la fantaisie romanesque d'un auteur des années 1940, Claude-Henri Grignon et de son roman Un homme et son péché. C'est lui qui, le premier, a «détourné» l'appellation jadis réservée aux territoires lointains des coureurs des bois. Cet usage s'est ensuite surtout répandu dans les années 1960 grâce à une première série télévisée, Les belles histoires des pays d'en haut, puis par un film et une seconde série télé. Lorsqu'on entend le personnage de Séraphin, dans ces oeuvres de fiction, dire qu'il s'en vient «aux Pays-d'en-Haut», on assiste donc à un anachronisme majeur puisque durant la période 1880-1900 pendant laquelle sont censés se dérouler ces événements, seuls les «cantons du Nord» n'existaient!

Il ne faudrait donc pas trop confondre la réalité et la fiction...

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(1) Vallières, Marc-Gabriel, «Le Petit et le Grand-Brûlé, des lieux mal nommés», dans La Feuille de Chêne, juin 2011, page 11. Article reproduit en ligne à l'adresse http://mgvallieres.com/chronDiverses/201106.php .