La survivance des Lambert-Dumont
par Marc-Gabriel Vallières
article publié dans La Feuille de Chêne, septembre 2007, pages 19-20.
La famille Lambert-Dumont a régné sur la seigneurie de la Rivière-du-Chêne, moitié ouest de la seigneurie des Mille-Îles, à partir de 1733 lorsque Eustache Lambert-Dumont a épousé Charlotte-Louise Petit(1). On croit généralement que le patronyme s'est éteint en 1874 avec le décès de Virginie Lambert-Dumont, épouse de Charles-Auguste Maximilien Globensky(2). On ignore cependant qu'Eustache Lambert-Dumont, outre son fils Eustache-Louis(3) qui s'installe à Saint-Eustache à partir des années 1760, avait un second fils prénommé François-Marie. Ce dernier, officier de marine, est demeuré en France lors de la cession de la Nouvelle-France à l'angleterre et y a eu une descendance. Une partie du domaine dont il s'est porté acquéreur dans la commune de Melle (Deux-Sèvres) en Poitou-Charentes, est restée jusqu'à nos jours liée aux grandes familles de Saint-Eustache. Édouard Lefebvre de Bellefeuille l'a en effet curieusement reçu en héritage de la petite-fille de François-Marie Lambert-Dumont en 1894 et sa petite-fille Andrée de Bellefeuille en est toujours propriétaire et ce, depuis 1967.
François-Marie Lambert-Dumont est né le 28 décembre 1738 et a été baptisé à Québec le lendemain, à la paroisse Notre-Dame. Son parrain est François Daine et sa marraine est Marie Lambert-Dumont. Daine est depuis 1722 greffier au Conseil supérieur de Québec, poste qu'il cumule à partir de 1724 avec celui de contrôleur de la Compagnie des Indes. Un élément curieux apparaît aux registres de la paroisse Notre-Dame en ce qui concerne ce baptême. Le nom du père est en effet d'abord inscrit comme étant Eustache Dumont. Une note stipule cependant qu'en 1764, sur l'ordre de monseigneur Briand, alors vicaire général du diocèse de Québec, le nom du père est modifié en celui de Lambert-Dumont(4). On ne peut que spéculer sur les raisons d'une telle intervention de monseigneur Briand.
Selon Pierre-Georges Roy(5), François-Marie Lambert-Dumont aurait été envoyé en France par ses parents pour y faire des études, y aurait joint les rangs de l'armée et ne serait jamais revenu au Canada. Selon Aegidius Fauteux(6), par contre, il ne serait passé en France qu'après la capitulation et aurait alors pris du service dans l'armée.
En 1782, il est premier capitaine du bataillon auxiliaire des colonies au port de Lorient(7). Vers 1790, il épouse Anne-Françoise Mathias(8). Avant la révolution, il jouissait d'une rente de 1000 livres comme invalide de la marine. Il est par la suite en bons termes avec les révolutionnaires puisqu'il est élu maire de la commune de Melle, dans les Deux-Sèvres, où il a acquis un domaine. Il décède à Melle le 9 germinal de l'an 7, soit le 29 mars 1799.
Son épouse lui survit plus de quarante ans, puisqu'elle ne décède qu'en 1842. Elle est de toute évidence beaucoup plus jeune que lui, puisqu'entre 1790 et 1799, ils ont une fille prénommée Françoise-Doris.
Habitant toujours le domaine de Melle, Françoise-Doris Lambert-Dumont épouse à une date inconnue Nicolas Hunot, et le couple aura une fille unique, Françoise-Geneviève.
Françoise-Geneviève Hunot décède le 19 juillet 1894 et cède ses biens par testament à Édouard Lefebvre de Bellefeuille, avocat de Montréal, pour en jouir après le décès de sa fille Athénaïs-Constance. Il faut rappeler qu'Édouard, né en 1840, était le petit-fils d'Antoine Lefebvre de Bellefeuille et de Louise-Angélique Lambert-Dumont, co-seigneurs des Mille-Îles. Nous ignorons cependant par quel hasard une descendante des Lambert-Dumont avait pu renouer des liens avec le représentant d'une autre grande famille de Saint-Eustache, près d'un siècle et demi après la séparation entre son ancêtre et l'Amérique, malgré les guerres et la Révolution et ce, à une époque où les communications n'étaient pas encore ce qu'elles sont devenues!
Nous tenons à remercier ici monsieur Michel Bordessoule, fils de madame Andrée de Bellefeuille, qui a gracieusement mis à notre disposition les archives dont il dispose. Nous reviendrons d'ailleurs dans le prochain numéro sur plusieurs de ces personnages de notre histoire.
Les trois églises de Melle, dans les Deux-Sèvres, sont très semblables les unes aux autres. À gauche Saint-Savinien, construite avant l'an mille à l'intérieur des murs de la ville; au centre Saint-Hilaire, construite en deux étapes en 1090 et en 1150; à droite Saint-Pierre, construite au début du XIIe siècle. (Photos tirées de Wikipaedia Commons)
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(1) Registres de la paroisse Notre-Dame de Québec, 19 octobre 1733, mariage d'Eustache Lambert-Dumont et Charlotte-Louise Petit.
(2) Registres de la paroisse de Saint-Eustache, 22 août 1874, sépulture de Virginie Lambert-Dumont, épouse de C.-A.-M. Globensky, décédée le 19 août.
(3) Pour plus de détails sur Eustache et Eustache-Louis, voyez le numéro consacré à la famille Lambert-Dumont dans La Revue des Deux Montagnes, numéro 6, mars 1997.
(4) PRDH, vol. 18, page 113.
(5) Roy, Pierre-Georges, Fils de Québec, 2e série, Lévis, 1933, page 63. Contrairement à son habitude, Roy n'a pas indiqué ses sources dans cette publication.
(6) Fauteux, Aegidius, Les chevaliers de Saint-Louis en Canada, Montréal, Éditions des Dix, 1940, page 231. Fauteux n'a pas non plus indiqué la source de ses informations.
(7) Ibid.
(8) Les informations biographiques qui suivent quant aux différents personnages sont tirées des archives de madame Andrée de Bellefeuille, en France.