Présentation
par Marc-Gabriel Vallières
Article paru dans La Feuille de Chêne, février 2014, page 9.
Depuis dix ans, on m'a parfois reproché d'avoir abandonné Saint-Eustache, ma patrie d'adoption pendant vingt ans, pour retourner aux Pays-d'en-Haut de mon enfance. Mais l'ai-je vraiment quitté? Pas si sûr. Le territoire qui va de Saint-Jérôme jusqu'au Nord de Saint-Sauveur constitue, historiquement parlant, la banlieue de Saint-Eustache.
La seigneurie des Mille-Îles a été, dès ses origines en 1714, scindée en deux. La partie Est est devenue la seigneurie de Blainville autour de Sainte-Thérèse et la partie Ouest la seigneurie de la Rivière du Chêne autour de Saint-Eustache. Lorsque, près de quarante ans plus tard en 1752, l'Augmentation des Mille-Îles a été concédée au Nord de Blainville, ce ne sont pas les seigneurs de Sainte-Thérèse qui en sont devenus propriétaires mais bien ceux de Saint-Eustache.
La région de Saint-Jérôme et les rives de la rivière du Nord ont été développées au XIXe siècle par les Lambert-Dumont et les de Bellefeuille tout comme l'avait été la rivière du Chêne un siècle plus tôt. Les terres de Sainte-Anne-des-Lacs et de Saint-Sauveur jusqu'à la côte Saint-Gabriel (qui commençait au pied de ce qui est aujourd'hui le Mont-Gabriel) ont été pour la plupart concédées par les Globensky de Saint-Eustache, héritiers des Lambert-Dumont. Un des derniers seigneurs Lambert-Dumont a d'ailleurs fini ses jours dans son manoir de Saint-Jérôme(1).
Saint-Eustache a perdu presque tous ses manoirs de l'époque seigneuriale. Aucun des manoirs Dumont et de Bellefeuille n'a subsisté au village(2). Pourtant, il existe encore une résidence de la famille de Bellefeuille, en excellent état au milieu de son grand jardin, dans ce qui était autrefois le domaine seigneurial de Saint-Jérôme. Il est situé dans l'Augmentation, près du centre du vieux Saint-Jérôme, au 500 de la rue du Palais, au coin de la rue Melançon. Il est aujourd'hui bien connu comme ayant été ultérieurement la demeure de Bernard Parent, maire de Saint-Jérôme de 1971 à 1985.
La maison du domaine seigneurial de Saint-Jérôme,
construite vers 1883 par Édouard Lefebvre de Bellefeuille
(photo MGV, 2013)
Un rapport similaire existe entre les habitants eux-mêmes de Saint-Eustache et ceux du «Nord». Lorsque les seigneurs de Saint-Eustache concédaient des terres dans l'Augmentation, d'où provenaient la majorité des nouveaux censitaires? De la rivière du Chêne bien sûr. Les fils des familles de Saint-Eustache et des alentours avaient le premier choix. C'est ainsi que parmi les premiers habitants des Pays-d'en-Haut, on retrouve les Janvry dit Bélair, les Biroleau dit Lafleur et les Coron de la rivière du Chêne et les Amarengher, les Lalande et les Allaire du Lac des Deux-Montagnes. Les débuts de l'histoire du Nord constituent donc un chapitre de l'histoire de Saint-Eustache.
Les généalogistes qui s'intéressent aux familles de Saint-Eustache devraient davantage porter leur attention sur le haut de la seigneurie et sur les cantons du Nord. C'est là qu'ont en effet émigré de nombreux frères, soeurs, cousins et cousines.
C'est ce que cette chronique entend explorer dans les prochains numéros : ce que sont devenus les gens des Deux-Montagnes et des Basses-Laurentides qui sont allés coloniser les Pays-d'en-Haut.
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(1) Bibliothèque de Archives nationales du Québec, CN606,S14, greffe André Bouchard dit Lavallée, minute 1314, 12 décembre 1841, testament de Sévère Lambert-Dumont.
(2) À l'exception d'une maison, située au coin des rues Saint-Eustache et de la Forge, qui avait été louée par les derniers Dumont et qui a brièvement servi de manoir entre 1838 et 1841.