Le développement de Saint-Eustache:
1. La Grande-Côte

par Marc-Gabriel Vallières
Article publié dans L'Éveil, le 3 mai 2003, page 22.

Quand on pense à l'histoire de Saint-Eustache, ce qui nous vient tout d'abord à l'esprit ce sont les événements de 1837. Si on se demande ensuite à quand remonte le développement de la région, on évoque habituellement les deux plus vieux monuments qui ont survécu dans le village, c'est-à-dire le moulin, construit dans les années 1760, et l'église, érigée dans les années 1780. On oublie que de nombreuses familles étaient établies ici bien avant ces dates et que plusieurs côtes ont été développées avant même la fin du Régime français en 1763.

L'occupation des terres de la Grande-Côte par nos ancêtres s'est faite dès les années 1740, celles de la Rivière-Sud à partir de 1755 et de la Rivière-Nord à partir de 1759. La Côte du Lac, quant à elle, a été développée à partir de 1760, bien que les six premières terres, près du village, aient été concédées entre 1741 et 1761.

Voyons d'abord la Grande-Côte. C'est en décembre 1729, avant qu'Eustache Lambert-Dumont n'ait pris le contrôle de la seigneurie de la Rivière-du-Chêne, que les soeurs Marie-Thérèse et Charlotte-Elizabeth Dugué de Boisbriand commencent à concéder des terres dans la Grande-Côte, du côté de Saint-Eustache. Cinq terres de quatre arpents de large chacune sont ainsi cédées à Jean-Baptiste De- lage, Pierre Masson, et François, Etienne et Jean-Baptiste Dubois. Ces terres, dont la plus à l'Ouest était située à dix arpents de l'embouchure de la rivière du Chêne, correspondent aujourd'hui à peu près aux rues allant de la 21e Avenue jusqu'à la rue des Mille-Îles.

La vie n'est cependant pas facile sur un territoire non encore colonisé. Les villages les plus près sont Saint-François-de-Sales, à l'autre extrémité de l'île Jésus, et la mission d'Oka. Ceux-ci ne sont accessibles que par la rivière, aucune route n'étant encore tracée. Les cinq premiers censitaires ne réussissent pas à s'établir et, dix ans plus tard, le nouveau seigneur Eustache Lambert-Dumont concède à nouveau les terres de la Grande-Côte à des colons. Les 3 et 4 avril 1739, quatorze terres sont allouées à certains de ceux qui avaient reçu des concessions en 1729, comme Pierre Masson et François Dubois, de même qu'à de nouveaux censitaires. C'est ainsi que tout le territoire allant à peu près de l'embouchure de la rivière du Chicot jusqu'à l'actuel boulevard Arthur-Sauvé commence son développement qui se poursuivra sans interruption jusqu'à nos jours.

Parmi les familles qui deviennent alors les premières de Saint-Eustache, on retrouve des Rochon sur trois terres (François, son fils Augustin, ainsi que son épouse, Marie-Charlotte Gingras), des Parent sur trois autres (Antoine père, Antoine fils et François) et des Masson sur deux autres (Pierre et Joseph), sans oublier les Dubois, Brouillet, Charles dit Lajeunesse, Gariépy, Collin et Coron.

Durant les premières décennies, les habitants de la Grande-Côte sont isolés. Ce n'est qu'à partir des années 1760 et 1770 que se développe un embryon de village et la rivière des Mille Îles demeure le seul lien de communication. Les besoins en déplacement deviennent encore plus pressants dans les années 1780 avec la construction de l'église paroissiale. Un chemin devient nécessaire le long de la rivière, sur la devanture des terres. C'est donc en 1790 que René-Amable Boucher de Boucherville, grand voyer du district de Montréal, c'est-à-dire responsable de la construction des chemins et des ponts, ordonne qu'un tel chemin soit ouvert. C'est ce chemin que nous empruntons toujours sans croire qu'il a maintenant plus de deux cents ans: le chemin de la Grande-Côte!