28. La maison Brion à Saint-Eustache

par Marc-Gabriel Vallières
Article publié dans L'Éveil, le 27 octobre 2001.

La maison Brion est située au 65 de la rue Saint-Louis, dans le vieux Saint-Eustache. Avec l'église de Saint-Eustache, elle est un des rares témoins de la bataille du 14 décembre 1837.

Tout le secteur situé à l'ouest de la rivière du Chêne, le long de la rue Saint-Louis, entre le petit pont et la rue Féré, a été loti à partir de deux terres, concédées en 1741 à Joseph Forgette et en 1756 à Pierre Paradis. Celle de Joseph Forgette est devenue plus tard la terre des Féré et celle de Pierre Paradis a été acquise par le notaire Pierre-Rémy Gagnier.

Le notaire Gagnier puis son gendre le docteur Labrie vont subdiviser plusieurs terrains, le long du chemin du roi, pour les vendre à des habitants qui désirent se construire une maison au village.

C'est ainsi qu'en 1819 Laurent Poirier, «faiseur de chaises», acquiert un des lots du docteur Labrie pour la somme de 400 livres. Il le revend en 1822 au forgeron Antoine Maillet qui s'y construit une maison de bois. Lorsque Maillet revend le terrain à Louis Laurion en 1824, il indique qu'il va partir avec sa maison!

Louis Laurion est un sculpteur dans l'atelier de Louis-Amable Quevillon, le décorateur d'églises de l'atelier des Écorres, à Saint-Vincent-de-Paul. Avec René Beauvais dit Saint-James, Quevillon a obtenu en 1821 le contrat pour la décoration de l'église de Saint-Eustache.


La première maison, dessinée par l'arpenteur Fortune en 1828
(détail d'un plan au Ministère de l'Énergie et des Ressources du Québec)

Laurion signe un contrat en mai 1824 avec le maçon Antoine Robillard pour lui construire une maison de pierre de deux étages. Lorsque Laurion revend le terrain à Pierre Janvry dit Bélair en 1827, la maison n'est cependant pas terminée et de nombreux matériaux sont encore dans la cour. Janvry, qui est cultivateur dans la côte du Lac et qui opère la traverse du Grand-Moulin, sera donc le premier occupant de la maison, une fois terminée.

Le 14 décembre 1837, comme une bonne partie du village, la maison est incendiée durant la bataille. Elle restera en ruines pendant neuf ans, témoin de la lutte. En septembre 1838, Pierre Janvry donne le terrain et les murs de pierre qui subsistent à son fils Édouard, comme cadeau pour son mariage avec Marie-Charles Dumoulin. Un an plus tard, Édouard revend le tout à Ambroise Brion dit Lapierre, un cultivateur de Saint-Eustache.

En mai 1846, Lapierre signe un marché de construction avec le maçon Ulric Robillard. Ce dernier devra démolir ce qui reste des murs du second étage et reconstruire la maison dans les murs du rez-de-chaussée. C'est cette maison que nous pouvons toujours observer aujourd'hui sur la rue Saint-Louis.


La seconde maison sise au 65, rue Saint-Louis
(photo MGV, 1987)

De nombreuses familles ont habité la maison dans le siècle et demi qui a suivi. Parmi elles, mentionnons celle de François Andegrave dit Champagne, un ancien cultivateur qui vient s'établir au village en 1874 après le décès de son épouse Émilie Grignon. Sa fille Sophie et son époux Isidore Quenneville héritent de la maison au décès de François et y vivent à leur tour jusqu'au décès de Sophie, en 1919. Parmi les autres familles, il y a aussi des Richer, des Renaud, des Légaré et des Bélisle.

Lorsque tard les soirs d'automne, je regarde le village à travers la petite fenêtre du pignon, je pense à cette nuit du 14 décembre et à ceux qui y ont péri. C'est un peu pour eux que reste allumée la lampe dans la fenêtre...