27. La beurrerie de Basile Choquette
à Saint-Eustache
par Marc-Gabriel Vallières
Article publié dans L'Éveil, le 6 octobre 2001.
Nous examinons aujourd'hui l'un des lieux les plus pittoresques de Saint-Eustache. Il s'agit de l'immeuble de pierre situé au 809 de la montée Lauzon, juste à côté de l'ancien petit pont qui relie le chemin Rivière-Nord et le chemin Rivière-Sud, à proximité de l'école alternative «Coeur à Coeur». Construit pour servir de moulin, il n'a jamais pu moudre de farine et a été transformé en beurrerie, fonction qu'il a occupée durant de nombreuses décennies.
Son histoire remonte à la fin du régime seigneurial. Jusqu'en 1854, seuls les seigneurs avaient le droit de construire des moulins. À l'abolition du régime, la meunerie devenait une activité commerciale ouverte à tous et plusieurs nouveaux moulins ont vu le jour. C'est ainsi que le moulin Lauzon a été construit par Grégoire Lauzon en 1856, du côté sud de la rivière du Chêne. Évidemment, Lauzon avait besoin de tout le pouvoir de la petite rivière, afin d'opérer son moulin.
Basile Choquette, qui possède le terrain situé du côté Nord de la rivière, juste en face du nouveau moulin Lauzon, ne veut pas être en reste et décide de lui faire concurrence. En 1857, il commence à se construire un autre moulin, en pierre cette fois, de son côté de la rivière! Mais le pouvoir d'eau n'est pas assez grand pour subvenir aux besoins de deux moulins. De plus, la mise en opération du moulin Lauzon, terminé avant le sien, inonde une partie de ses installations! Les deux voisins se traînent donc mutuellement en justice: Choquette veut obtenir réparation pour les dégâts causés par l'inondation et Lauzon veut empêcher toute concurrence! Le juge décide en faveur du premier venu, soit Grégoire Lauzon, et condamne Basile Choquette à ne plus opérer son nouveau moulin.
La beurrerie de Basile Choquette et le pont de la montée Lauzon vers 1913
(Carte postale du photographe montréalais L. Gobeille)
Choquette transforme alors son édifice en une beurrerie, qui va pouvoir fonctionner grâce aux nombreux producteurs laitiers des chemins Rivière-Nord et Rivière-Sud. Il l'opère ainsi pendant quelques années. En 1867, Basile et son épouse Marie-Thérèse-Amable Lefebvre donnent la terre qu'ils occupent à leur fils Nérée et la beurrerie à leur autre fils Benjamin, qui va l'opérer à son tour jusqu'en 1882.
La beurrerie est vendue en 1882 à un commerçant, Jérémie Paiement fils, qui est en affaires avec le forgeron Léon Rochon. En 1892, c'est un cultivateur du coin, François-Xavier Laurin qui acquiert les installations. Lorsqu'en 1897, Émile Laurin, fils de François-Xavier, épouse Marie-Anna Gravel, le couple reçoit la beurrerie de cadeau de mariage. En 1908, c'est un cultivateur de Saint-Ambroise de Joliette nommé Joseph Dessert qui devient propriétaire de la beurrerie. L'acte de vente nous donne d'ailleurs une bonne description de l'équipement que contenait l'entreprise.
Plusieurs autres propriétaires se succèdent ensuite, jusqu'à ce que la «Montréal Dairy» en devienne locataire en 1914 puis en fasse l'acquisition en 1917. La laiterie montréalaise va l'opérer jusqu'en 1932, alors qu'elle la cède à Cléophas-Tancrède Savard. La beurrerie n'est plus aujourd'hui en opération. D'autres activités y ont succédé, dont une entreprise de sucre d'érable, il y a quelques années.
Le site vaut le détour, pour le charme de son environnement. Accédez à la montée Lauzon par le chemin Rivière-Nord et laissez votre automobile dans le stationnement de l'école qui s'y trouve. Continuez ensuite votre chemin à pied jusqu'au petit pont aujourd'hui piétonnier. Vous profiterez d'un lieu riche en histoire, mais pourtant très peu fréquenté.