25. Les maisons de la rue Sainte-Marie
à Saint-Eustache

par Marc-Gabriel Vallières
Article publié dans L'Éveil, le 26 mai 2001.

Ceux qui habitaient Saint-Eustache avant la construction de l'autoroute 640 se rappellent que le chemin Rivière-Sud, au lieu d'être coupé par l'actuel boulevard Industriel, venait jusqu'au village et s'arrêtait à l'ancien petit pont de la rue de la Forge, à côté du pont de la rue Féré. La section du chemin qui se situait dans les limites du village s'appelait alors la rue Saint-Marie. Elle porte aujourd'hui le nom de rue Boileau. Deux maisons vont retenir aujourd'hui notre attention: la maison Judd et celle, malheureusement disparue depuis peu, du peintre Jobson Paradis.

La maison Judd est située au 260 de la rue Boileau. Son terrain faisait à l'origine partie d'une longue terre qui s'étendait de la rivière des Mille-Îles jusqu'à la rivière du Chêne, longeant la Montée du Village, devenue aujourd'hui la rue Féré. C'est d'ailleurs sur ce qui restera de cette terre, après des lotissements le long du chemin Rivière-Sud, qu'habitera Jean-Olivier Chénier, jusqu'au 14 décembre 1837.


La maison Judd au 260, rue Boileau (photo MGV, 1994)

Cette terre, numéro 51 au cadastre de la paroisse, avait été concédée à Pierre Collin en 1741, puis reconcédée à Jean Baulnes en 1801. Le lotissement du terrain qui nous intéresse, le long de la rue Sainte-Marie, s'effectue en 1810, lorsque Jean Baulnes vend l'emplacement à Jean-Baptiste Spénard. L'emplacement est ensuite subdivisé dans les années 1840, puis remembré de 1848 à 1860 par le tanneur Alexis Malboeuf qui y installe son industrie. En 1874, la tannerie est achetée par Léon Gravelle, qui était auparavant tanneur à Montréal.

C'est en 1920 que Blanche puis Thomas Judd en font l'acquisition. Pendant presque quatre-vingt années, des membres de cette famille vont habiter la maison, jusqu'à il y a peu de temps. Même si la maison n'occupe plus aujourd'hui qu'un tout petit terrain, elle a conservé tout son cachet d'antan.

La seconde maison d'intérêt sur la rue Sainte-Marie a malheureusement disparu il y a environ cinq ans, victime des vandales et des incendiaires. Il s'agissait d'un petit chalet, construit sur une étroite bande de terre, entre la rue et la rivière, qui a servi de résidence d'été au peintre Jobson Paradis. Professeur de dessin et de peinture au Conseil des Arts et Manufactures de Montréal, Paradis amenait tous les étés ses étudiants à Saint-Eustache, et le petit chalet de la rue Sainte-Marie se transformait, l'espace d'une saison, en école des beaux-arts!


La maison Jobson-Paradis, aujourd'hui démolie, au 291 de la rue Boileau
(photo MGV, 1994)

Né en 1871 à Saint-Jean-sur-Richelieu, Jobson Paradis étudie d'abord à Ottawa puis à l'Université Notre-Dame, en Indiana, avant de fréquenter, à partir de 1892 l'atelier de Gérôme, à l'École des Beaux-Arts de Paris. Revenu à Montréal en 1903, il devient professeur et va enseigner à de nombreux artistes québécois, dont le peintre Marc-Aurèle Fortin et le sculpteur Alfred Laliberté, entre autres. C'est en 1907 qu'il acquiert la petite maison de Saint-Eustache, où il reviendra à tous les étés jusqu'à son décès en 1926. La maison a ensuite été habitée par sa fille Wanda jusqu'aux années 1980.

Malheureusement abandonnée, incendiée puis démolie, cette école des beaux-arts de Saint-Eustache n'est plus. On peut toutefois encore goûter au charme et à la tranquillité de ce coin de Saint-Eustache, en se promenant le long de cette section de la rue Boileau.