1. La maison Robin dit Lapointe
à Saint-Eustache

par Marc-Gabriel Vallières
Article publié dans L'Éveil, le 6 mars 1999.


La maison Robin dit Lapointe au 432, rue Saint-Eustache
(photo MGV, 1994)

En certains endroits, on vénère de vieilles maisons qui ont été, il y a plusieurs siècles, le berceau de nos familles. À l'île d'Orléans ou sur la côte de Beaupré, par exemple, on retrou-ve plusieurs de ces maisons, construites par le premier ancêtre arrivé en Nouvelle-France. Ces lieux deviennent souvent de véritables destinations de pèlerinage pour tous les descendants de la famille. On y appose une plaque de bronze et la maison devient un attrait touristique supplémentaire pour la région.

Il pourrait en être ainsi à Saint-Eustache, où de vieilles maisons ont vu naître, grandir et disparaître plusieurs générations d'une même famille. La maison Lapointe est une de celles-là, au 432 de la rue Saint-Eustache, en haut de la côte, près de la pépinière Charbonneau.

La terre sur laquelle se trouve la maison n'a pas été concédée, à l'origine, à la famille Lapointe. Le seigneur Dumont l'a concédée en 1778 à Dominique Debartzch, un marchand du village de Saint-Eustache. C'est en 1811 que Joseph Robin dit Lapointe l'achète de Jean-François Léonard(1) et c'est dix ans plus tard, en 1821, que la maison de pierre sera construite. Une plaque dorée, apposée sur la maison il y a quelques années, dit qu'elle fut construite en 1805 mais cela est faux, comme nous le montrent les marchés de construction.

En septembre 1820, Joseph Robin dit Lapointe engage le maçon Alexis Gosselin(2). Il lui donne le contrat d'ériger les murs de pierre de la maison durant l'été 1821. En septembre 1821, les murs étant terminés, Joseph Robin signe un contrat avec le ferblantier Jean Poitras, afin de réaliser une couverture de fer blanc sur la maison(3).

Joseph Robin dit Lapointe avait épousé en premières noces Archange Leguerrier. Devenu neuf, il épouse Théotiste Proteau en 1825 à Saint-Eustache. Devenu veuf une seconde fois, il épouse enfin Marie-Marguerite Léonard en 1832, toujours à Saint-Eustache. Aux recensements de 1831 et de 1842, huit personnes habitent la maison.

Après la mort de Joseph, en 1848, ses fils Joseph et Damase renoncent à leur part de l'héritage et c'est leur soeur Luce qui reçoit la maison. En 1850, celle-ci épouse Eustache Brunelle à Saint-Eustache et le couple occupe la maison jusqu'en 1882.

En octobre 1882, Damase Robin dit Lapointe vend la maison et la terre 296, au nom de sa soeur, à Olivier Sauvé, fils de Basile. Pour les Lapointe, c'est pendant plus de soixante ans que la demeure de la rue Saint-Eustache aura été le lieu de ralliement. Après deux générations, la maison de pierre appartiendra maintenant à une autre famille.

Parmi les enfants de Joseph Robin dit Lapointe et de Théotiste Proteau, les frères Joseph fils et Olivier épousent les deux soeurs Antoinette et Rose-Anne Lalande en 1846 et 1847. Isaïe, quant à lui, épouse Marguerite Dorion en 1851. Leur soeur Lucie, qui avait épousé Eustache Brunelle en 1850, était issue du troisième mariage de Joseph Robin, avec Marie-Marguerite Léonard. Parmi tous les enfants de Joseph, Olivier est celui qui aura la plus nombreuse descendance à Saint-Eustache.

Ce coin de Saint-Eustache a bien changé, depuis l'époque des Lapointe. Avant la construction de la maison, le chemin ne passait pas au même endroit qu'aujourd'hui, mais plutôt près de la rivière. Ce n'est que vers 1815 que son tracé a été modifié, pour passer plus au nord, à la demande de Joseph Robin. La maison, jadis au centre d'une grande ferme de trente arpents, aujourd'hui entourée de résidences, a perdu son environnement rural. Mais elle demeure majestueuse en haut de la petite côte. Elle doit aussi occuper une place bien spéciale dans le coeur des descendants de Joseph Robin dit Lapointe, qu'ils portent le nom de Lapointe, de Brunelle, de Robin, de Goyer, de Dubreuil, de Côté, de Proulx, de Ladouceur, de Mathieu ou de Migneron...

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(1) Archives nationales du Québec à Montréal, greffe J.-A. Berthelot, minute 47, 3 avril 1811. Vente par Jean-François Léonard à Joseph Robin.
(2) Archives nationales du Québec à Montréal, greffe J.-A. Berthelot, minute 1895, 17 septembre 1820. Marché entre Joseph Robin et Alexis Gosselin pour la construction d'une maison de pierre.
(3) Archives nationales du Québec à Montréal, greffe Stephen Mackay père, minute 82, 22 septembre 1821. Marché entre Joseph Robin et Jean Poitras pour la couverture en fer blanc.