7. La maison Féré à Saint-Eustache
par Marc-Gabriel Vallières
Article publié dans L'Éveil, le 29 janvier 2000.
La maison Féré au 82, rue Labrie
(photo MGV, 1995)
Peu de gens imaginent, en voyant la maison de Jean-Baptiste Féré au 82, de la rue Labrie, qu'il y a tant d'histoire derrière ces murs. On croit même, en la voyant, qu'elle a été construite il y a quelques années à peine. Elle a pourtant 175 ans!
Aujourd'hui située sur un petit terrain en plein milieu du village de Saint-Eustache, elle était autrefois au centre d'une terre qui a été concédée en 1741 à Joseph Forgette. Cette terre allait de la rivière des Mille Îles à la rue Saint-Eustache, enjambant la rivière du Chêne, entre les actuelles rues Féré et Saint-Denis.
En 1794, Jean-Baptiste Féré achète cette terre des mains de François Goyer dit Bélisle et pendant près de cent ans, trois générations de Féré vont y habiter. Jean-Baptiste est d'abord cultivateur, mais il sera aussi constructeur de moulins. La tradition veut qu'il ait lui-même érigé sa maison dans les années 1820. Malheureusement, aucun document d'époque ne nous permet d'en déterminer la date de construction avec certitude.
En 1823, Jean-Baptiste Féré fait don de sa terre à son fils Emery. Né en 1793, Emery a d'abord servi comme enseigne dans la milice, lors de la guerre de 1812. Il a ensuite obtenu sa commission d'arpenteur-géomètre le 18 mars 1818. Avec Pierre-Rémy Gagnier, reçu arpenteur en 1782 avant de devenir notaire, et Hyacinthe Lemaire dit Saint-Germain, reçu arpenteur en 1790, Emery Féré est le troisième arpenteur de Saint-Eustache. Un an après avoir reçu la terre en cadeau de son père, soit en 1824, il épouse Angèle Paquin, fille de Paul et de Marguerite Marcotte à Saint-Eustache.
La signature d'Emery Féré
sur un document de 1819
En mai 1860, Emery Féré fait son testament et lègue ses biens à son épouse. Il décède le 13 août. C'est ensuite leur fils Jean-Baptiste-Emery qui occupe une partie de la terre avec son frère Grégoire. Jean-Baptiste-Emery devient maire du village de Saint-Eustache, jusqu'en 1887. En 1888, finalement, ce qui reste de la propriété après plusieurs lotissements est vendu à Joseph-Pantaléon Beauchamp, mettant un terme à la présence des Féré dans cette partie du village.
Il y a eu plusieurs souches de Féré en Nouvelle-France. La famille Féré de Saint-Eustache, quant à elle, est originaire de Paris. Le premier de cette branche à émigrer en Nouvelle-France est Jean-Baptiste, fils de Marc-Antoine Ferret et de Cécile Évrat. Il arrive probablement dans la vallée du Saint-Laurent peu avant la conquête, et épouse Angélique Brisson à Saint-Pierre-les-Becquets en 1762. Le couple vient ensuite s'établir à Saint-Eustache. Leur fille Louise y épouse Joseph Périllard en 1787, puis leur fils Jean-Baptiste épouse Josephte Bouchard dit Lavallée le 25 novembre de l'année suivante. Il est à noter que ce dernier mariage a été oublié dans le répertoire des mariages de la paroisse de Saint-Eustache. C'est ce Jean-Baptiste fils qui achète la terre située à l'ouest du village, en 1794.
Une curiosité peut être remarquée si nous tentons de retrouver la généalogie des Féré en France. Les registres de Saint-Pierre-les-Becquets nous indiquent en 1762 que Jean-Baptiste Féré est le fils de Marc-Antoine Ferret et de Cécile Évrat, de Saint-Sauveur de Paris. Or, il ne semble pas y avoir eu de paroisse Saint-Sauveur comme telle, à Paris, même au 18e siècle! Seule une petite rue Saint-Sauveur a existé depuis 1285 au nord du quartier des Halles, dans la paroisse de Saint-Nicolas-des-Champs. Jean-Baptiste avait-il donné le nom de sa rue au lieu de sa paroisse ou venait-il d'une paroisse que le curé aura mépris pour Saint-Sauveur, comme Saint-Séverin? Seules des études plus poussées permettront de le déterminer.
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Pour plus de détails, voyez :
Vallières, Marc-Gabriel, «La côte du Lac», dans La Revue des Deux-Montagnes, numéro 9, avril 1998, pages 77 à 92.