14. La maison Lauzé à Saint-Eustache

par Marc-Gabriel Vallières
Article publié dans L'Éveil, le 12 août 2000.


La maison Lauzé au 164, rue Lemay
(photo MGV, 1995)

La famille dont le nom reste associé à la jolie petite maison blanche située au 164 de la rue Lemay, au coin de la rue de Bellefeuille à Saint-Eustache, a joué un rôle important dans l'histoire des moulins de Saint-Eustache. Plusieurs meuniers du nom de Lauzé ont en effet travaillé, au cours des ans, au Grand-Moulin de la rivière des Mille-Îles, au moulin de la Dalle dans la Grande-Côte et au Petit-Moulin de la rivière du Chêne. Cette famille habite la région de Saint-Eustache depuis plus de huit générations.

En septembre 1857, à peine un mois avant d'épouser Zoé Verdon, Benjamin Lauzé, fils de Paul et de Julie Éthier, s'engage auprès du seigneur de Bellefeuille pour travailler au moulin de la Dalle. Benjamin est de la quatrième génération des Lauzé de Saint-Eustache. Zoé Verdon décède peu d'années après son mariage, mais le couple a un fils, Léodas, qui devient lui-aussi meunier.

En 1896, Léodas achète le Grand-Moulin de la rivière des Mille-Îles des mains du docteur Jean-Baptiste-Théophile Dorion. Il le conserve une douzaine d'années et le revend en 1908 à Jean-Baptiste Berthiaume, qui sera le dernier meunier du lieu. Durant ces douze années, Léodas s'associe son cousin Auguste, fils de l'oncle Paul Lauzé et d'Arméline Rochon. Cet Auguste Lauzé nous intéresse, puisqu'il habitera durant plusieurs années la petite maison de la rue Lemay.

Le terrain de cette maison est constitué de deux lots distincts, sur lesquels il y avait autrefois deux minuscules maisons. Le lot arrière, sur la rue de Bellefeuille, occupé aujourd'hui par une remise, était habité dans les années 1820 par Marie Lauzé, de la deuxième génération et son époux Antoine Labelle, puis par sa soeur Josephte Lauzé, épouse de Joseph Meilleur.

Dans les années 1850, leur nièce Marie-Anne Lauzé et son époux Jean-Baptiste Marineau ont acquis le lot avant, sur la rue Lemay. C'est probablement pour Marie-Anne Lauzé que la maison actuelle a été construite.

Dans les années qui suivent, les deux lots passent en d'autres mains. En 1908 cependant, le meunier Auguste Lauzé dont nous venons de parler achète les deux lots et la maison. Depuis cette date, la maison fait partie de la famille puisque le propriétaire actuel est le petit-fils du meunier Auguste.

L'épouse d'Auguste Lauzé, Anne-Marie Judd, surnommée Clémentine, faisait le lien avec une autre grande famille de meuniers, originaire des îles britanniques. Plusieurs Judd ont en effet travaillé au Grand-Moulin de la rivière des Mille-Îles au 19e siècle. Une partie de cette famille est demeurée anglophone, fréquentant l'église anglicane ou joignant l'église presbytérienne, alors que plusieurs de ses membres ont produit une descendance francophone et catholique, en épousant des canadiens-français.

Cette petite maison représente le type parfait de l'habitation de faubourg du 19e siècle. Autrefois plus basse puisque son solage a été rehaussé au cours des années, on en retrouvait des dizaines de semblables dans le village de Saint-Eustache. Aujourd'hui, malheureusement, très peu d'entre elles ont survécu, et aucune dans l'état admirable de la petite maison Lauzé.

On accorde souvent beaucoup d'importance aux édifices prestigieux qui nous sont restés du passé, comme les églises et les moulins. Les petites maisons de travailleurs ont cependant autant d'importance, puisque c'est là que nos ancêtres ont vécu, se sont aimés et, évidemment, nous ont conçus!

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Vallières, Marc-Gabriel, «Le faubourg Saint-Jacques et la maison Lauzé», dans La Revue des Deux Montagnes, numéro 3, février 1996, pages 63 à 82.
Bureau de la publicité des droits du Comté de Deux-Montagnes, Saint-Eustache, lots 131 et 132, cadastre du Village de Saint-Eustache.