20. La maison de J.-A. Paquin à
Saint-Eustache

par Marc-Gabriel Vallières
Article publié dans L'Éveil, le 30 décembre 2000.


La maison Paquin au 40, rue Saint-Eustache (photo MGV)

C'est tout un pan de notre histoire qui se cache derrière les murs de la maison Paquin, au 40 de la rue Saint-Eustache. Des personnages illustres y ont habité, comme le docteur Jacques Labrie et le marchand William-Henry Scott. Une grande famille de Saint-Eustache y habite toujours depuis plus d'un siècle: celle du marchand J.-Albert Paquin et de ses descendants.

C'est d'abord le 12 novembre 1779 que le terrain est concédé à Nicolas Guindon par le seigneur Dumont(1). Quatre jours plus tard, Joseph Debien en fait l'acquisition. Il y habitera pendant vingt ans jusqu'à sa mort, avec son épouse Thérèse Tessier, dans une petite maison de bois.

Au début des années 1800, c'est le docteur Jacques Labrie qui en fait l'acquisition et l'agrandit en y ajoutant des parcelles des terrains voisins. Il s'agit d'une place de choix pour le médecin local, au centre du village face à l'église. Ce qui est intéressant en ce qui concerne le docteur Labrie, c'est que nous pouvons suivre à la trace l'évolution architecturale de sa maison au moyen des nombreux marchés de construction que nous retrouvons dans les greffes des notaires. Tout d'abord, il signe un contrat en 1809 avec le maçon Jean-Baptiste Guilbault(2). Il s'agit alors d'ériger les murs de pierre d'une maison à deux étages de cinquante pieds de large par quarante-cinq de profond, ce qui est très vaste pour l'époque. En 1810, une fois les murs extérieurs terminés, un second marché est conclu avec le maître-menuisier Jean-Baptiste-Flavien Spénard pour la charpente des planchers de la maison(3).

En 1814, un troisième contrat est signé avec Alexis Gosselin, pour aménager les pièces du second étage de la maison(4). Chose d'un intérêt extrême pour nous, le notaire joint au contrat un plan de l'intérieur de la maison! Tout ce que nous savons cependant de l'apparence extérieure de la maison est un dessin grossier de la façade, effectué en 1828 par un arpenteur.

Pendant près de deux décennies, le docteur Labrie habitera sa grande maison de la rue Saint-Eustache, passant toutefois de longues périodes à Québec puisqu'il est aussi député du comté de York, prédécesseur du comté de Deux-Montagnes. Lorsqu'il meurt en 1831, un mois à peine après avoir marié sa fille au docteur Jean-Olivier Chénier, c'est son gendre qui continue sa pratique de la médecine au village. Il vend cependant deux ans plus tard la grande maison à William-Henry Scott qui va y établir un magasin-général qui va subsister pendant plus de cent-cinquante ans(5).

William-Henry Scott est né en Écosse en 1799. Il est arrivé à Montréal en très bas âge avec sa famille, son père exerçant le métier de boulanger. William-Henry était déjà établi à Saint-Eustache depuis plus de dix ans lorsqu'il achète la maison. Le magasin-général qu'il y établit ne prospère cependant que durant cinq années, avant que ne surviennent les événements de 1837. Patriote modéré, Scott est dans le collimateur des troupes britanniques. Le soir du 14 décembre, sa maison et son établissement commercial sont incendiés, de même que toute une partie du village.

C'est ainsi que se termine l'histoire de la première maison de pierre qui a occupé le site pendant vingt-sept années. À suivre dans une prochaine chronique: la seconde maison de pierre, dont les murs ont survécu jusqu'à nous!

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(1) Archives nationales du Québec à Montréal (ANQM), Greffe du notaire Jacques Dufault, minute 1666, 12 novembre 1779, Concession à Nicolas Guindon.
(2) ANQM, Greffe du notaire François Lefebvre-Bellefeuille, minute 1030, 11 septembre 1809, Marché entre Jean-Baptiste Guilbault, maçon, et Jacques Labrie.
(3) ANQM, Greffe du notaire Pierre-Rémy Gagnier, minute 6049, 16 octobre 1810, Marché entre Jean-Baptiste-Flavien Spénard, menuisier, et Jacques Labrie.
(4) ANQM, Greffe du notaire Joseph-Amable Berthelot, minute 572, 27 septembre 1814, Marché entre Alexis Gosselin et Jacques Labrie.
(5) Greffe incendié du notaire Jean-Joseph Girouard, 7 octobre 1833, Vente par Jean-Olivier Chénier, ès-qualité, à William Henry Scott.