La maison Woodwark (Laval-Ouest)
Chronique prévue pour le 3 juin 1984, non publiée
Veuilles noter que ce texte n'a jamais été publié dans l'Hebdo régional. Il était prévu pour le 3 juin, mais le journal a cessé sa publication durant la semaine précédente. |
Il ne subsiste que peu de témoins architecturaux anciens de cette partie de la paroisse de Sainte-Rose qui est devenue plus tard Fabreville et Laval-Ouest. Une des quelques maisons qui nous sont parvenues constitue cependant un exemple unique d'un style bien particulier. Il s'agit d'un monumental cube de pierre situé au 4558, boulevard Sainte-Rose à Fabreville, connu comme étant la maison Woodwark(1). Les proportions de son carré, coiffé d'un toit à quatre versants, l'épaisseur de ses murs et l'absence de symétrie dans ses ouvertures des côtés relèvent plus de la forteresse que de la maison de ferme.
Jusqu'au tournant de ce siècle(2), elle se trouvait sur une des plus grandes terres concédées sur l'île Jésus(3). Ce domaine s'étendait sur plus de trois cent arpents de superficie, de la rivière des Mille-Îles jusqu'aux concessions de la côte Saint-Antoine à Sainte-Dorothée. Lors de la confection du cadastre de la Paroisse de Sainte-Rose, vers 1880, il s'agissait du lot le plus important de cette partie de l'île.
Cette immense terre a été la propriété de 1840 à 1888 d'un cultivateur, William Woodwark qui habitait la maison avec son épouse Agnes Walton et leurs enfants. Leur patronyme subsiste encore de nos jours dans le nom du petit ruisseau Woodwork qui prend sa source à Sainte-Dorothée et qui se jette dans la rivière des Mille-Îles, pas très loin de la maison de pierre.
La maison Woodwark au 4558, boul. Sainte-Rose
à Fabreville (Laval). (Photo MGV, 1984)
En 1888, William Woodwark fait don de la terre à son fils George Thomas, à l'exception de quelques parcelles qui iront à ses autres enfants. Ces derniers revendront cependant leurs sections un peu plus tard en quittant la région. George Thomas Woodwark acquérera ainsi la totalité de la concession après avoir racheté la part de sa soeur Mary, qui était allée s'établir à Duluth, au Minnesota.
Au cours des années qui suivront, George Thomas se servira de sa terre comme outil de spéculation. Il en vendra, rachètera et revendra sans cesse des sections, évidemment toujours à profit.
En 1894 un hôtelier de Saint-Laurent, Hormidas Meunier dit Lagacé achète la maison et une section de la terre pour 1300 dollars. Il revend le tout à George Thomas Woodwark quelques années plus tard, étant devenu un «bourgeois» de Saint-Eustache, et ne conserve qu'un droit de coupe de bois sur une partie de la terre.
En 1921, le légendaire J.A. Paquin, marchand général à Saint-Eustache achète une grande section de la terre pour 7500 dollars et s'occupe lui-même du lotissement de ce grand domaine.
L'immense concession n'existe plus comme entité agricole. Un développement domiciliaire en occupe maintenant presque l'intégralité et l'ouverture du boulevard Dagenais l'a sectionnée. Mais la maison est toujours là, témoin imposant d'une époque révolue. Des membres de la famille Woodwark sont restés associées à une partie de la terre jusqu'en 1969.
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(1) Il existe de nombreuses graphies différentes de ce patronyme, selon le notaire dont on consulte les minutes où le pasteur de l'Église presbytérienne dont on lit les registres : Woodward, Woodword, Woodwork, Woodwark...
(2) Notez que ce texte a été écrit dans les années 1900.
(3) Lot 163, cadastre de la Paroisse de Sainte-Rose.